Qui porte une accusation.

C’est l’histoire de Monsieur Pouce, le plus aimé des doigts. On faisait toujours appel à lui pour montrer que tout allait bien, pour s’extraire de son état de bipède à sac à dos et devenir passager motorisé et bavard, ou même pour faire des grimaces.

Mais un jour, l’auriculaire fit circuler une drôle de rumeur. Le pouce, sous des dehors débonnaires, serait malfaisant pour tout le corps. N’est-ce pas à lui que l’on fait appel pour allumer la flamme du briquet ? Aucun des doigts n’avait jusqu’alors pris conscience que la flamme ainsi obtenue pouvait être fatale par cigarettes interposées. Il fallait se réunir sans que le pouce s’en aperçoive pour discuter de la chose. Heureusement, il venait juste de se casser.

En début de séance, les mauvaises langues avaient suggérées, sans doute pour le briser, que cet heureux incident permettait au présumé poussable de passer l’hiver au chaud. Toutefois, les doigts qui avaient l’ongle sur les phalanges ne prêtèrent nulle attention à ces viles médisances. Le sujet était plus grave que ces ragots de basses carpes. Comme à l’accoutumée, le majeur, hautain, se leva seul pour indiquer qu’il ne fallait pas compter sur lui. Le Roi auriculaire de par le statut que lui confère sa belle couronne dorée ne pouvait prendre parti à la discussion. Il était là pour écouter et prendre la décision finale. C’est donc l’index, en doigt accusateur, qui prit parole et place de procureur. Tous les doigts connaissaient déjà, au mot près, ce qui se dit à cet instant. Pourtant personne ne s’attendit à la peine requise. Le roi réfléchit de longues minutes, jouant avec sa couronne, puis pris la décision de suivre l’index. Le majeur, fidèle à sa réputation, et malgré le protocole, se leva d’un seul homme.

On attendit que le pouce soit à nouveau libre pour lui annoncer la sentence. La nouvelle lui fit l’effet d’un patch. N’étant pas un mauvais bougre, le pouce accepta sa punition. C’est qu’en secret, il rêvait d’être acteur. Le jugement coupait court à cette vocation. Il ne pourrait jamais incarner d’ongle, tel avait été la peine requise par l’index.

Depuis, le calme est revenu en dextrie. Le majeur et l’index ont retrouvé leur teinte d’antan, plus aucun doigt jaune sauf l’auriculaire de temps en temps mais ceci est une autre histoire.

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