Animal pessimiste.

La vache est nostalgique. Corps dans le pré, son esprit vagabonde à l’époque du noir et blanc. Un TGV dérouille les rails, elle loue les temps anciens des locos à vapeurs. Un camion Candia vicie son oxygène, sa préférence à jamais va au vieux char au lait. Les trayeuses s’automatisent, contact métallique contre excès méthanique, les pets de Damoclès se fondent avec ses cornes. La vache, elle, a compris ce que les hommes ignorent. Leurs jours sont comptés. Aux temps d’antan, le futur s’agençait de voitures volantes et de voyage au-delà de la voie lactée, sa préférée. Mais que sont devenus les lendemains qui broutent. La vache déprime. Elle sent à tout instant qu’elle peut flancher. Mal dans son époque, ses pies piquent.

La vache broie du noir, broute du vert et bronze du mou. Parfois, comme une lueur d’espoir, s’invite un coquelicot. L’espace d’une mastication, les pétales pourpres la console lui évitant de ruminer de bien sombres pensées. Vache n’est pas taureau qui ne pense qu’au travers de ses cornes. Quand lui voit rouge, de son champ de vision, il faut filer. Mais si en son for intérieur, elle se fout de sa poire. Il ne sait pas de quoi à côté il passe. Elle, le rouge l’amadoue à chaque phase digestive sans lui retourner les tripes. Sans qu’elle n’y pense, corne sous le bonnet, le jour se couvre d’un manteau étoilé, ses sabots se muent en mains humaines, le coquelicot délicat se laisse effeuiller, chacun de ses pétales lui raconte une histoire des temps anciens, caillette jusqu’à plus faim. Le rêve s’achève enfin au son caractéristique du choc des étoiles sur la terre. Quand on n’a pas le rond, le rêve est la solution.

Si elle ne peut conserver les couleurs des temps anciens, elle sera rousse au chocolat, suisse version Milka,

Pacifiste de naissance, la vache sent d’instinct que les guerres de l’homme ne l’intéresseront pas. Elle apprendra que même si Marignan, c’est de la daube, rien ne vaut Marengo.

La vache, on ne le sait pas assez a le sens de l’humour. Alors que le vent s’engouffre bruyamment dans sa corne creuse, il n’est pas rare de l’entendre mugir : « La corne m’use ! ». Plus rarement, comme une référence, elle produira les jours suivants du lait cossé.

Mais il ne faut pas oublier que l’humour est la politesse du désespoir. Si elle connaissait le calembour, elle aurait pu même dire du « désosse-poire ». Mais elle ne connaît que le calendos qui la ramène à sa triste condition. Quand elle se penche sur son existence, elle se dit que de toute façon ça ira de mal en pis et que sa vie s’achèvera par une boucherie.

Pas si drôle, la vache !

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